lundi, 09 juin 2008
Vers le dix juin
Comme toujours, ici, vers le dix juin, la cause est entendue, le ciel tourne, l’horizon a sa brume permanente et chaude, on entre dans le vrai théâtre des soirs. Il y a des orages, mais ils sont retenus, comprimés, cernés par la force. On marche et on dort autrement, les yeux sont d’autres yeux, la respiration s’enfonce, les bruits trouvent leur profondeur nette. Cette petite planète, par plaques, a son intérêt.
Philippe Sollers, LA FÊTE À VENISE, début du roman
16:30 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juin, grands textes, philippe sollers, la fête à venise
mardi, 03 juin 2008
Là-haut
"Un jour, à Paris, Casanova est à l’Opéra, dans une loge voisine de celle de Mme de Pompadour. La bonne société s’amuse de son français approximatif, par exemple qu’il dise ne pas avoir froid chez lui parce que ses fenêtres sont bien " calfoutrées ". Il intrigue, on lui demande d’où il vient : " de Venise ". Madame de Pompadour : " De Venise ? Vous venez vraiment de là-bas ? " Casanova : " Venise n’est pas là-bas, Madame, mais là-haut. " Cette réflexion insolente frappe les spectateurs. Le soir même, Paris est à lui."
13:37 Publié dans Venise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : venise, casanova, philippe sollers
samedi, 24 mai 2008
L’Adversaire
« Car l’Adversaire est inquiet. Ses réseaux de renseignement sont mauvais, sa police débordée, ses agents corrompus, ses amis peu sûrs, ses espions souvent retournés, ses femmes infidèles, sa toute-puissance ébranlée par la première guérilla venue. Il dépense des sommes considérables en contrôle, parle sans cesse en termes de calendrier ou d’images, achète tout, investit tout, vend tout, perd tout. Le temps lui file entre les doigts, l’espace est pour lui de moins en moins un refuge. Les mots « siècle » ou « millénaire » perdent leur sens dans sa propagande. Il voudrait bien avoir pour lui cinq ou dix ans, l’Adversaire, alors qu’il ne voit pas plus loin que le mois suivant. On pourrait dire ici, comme dans la Chine des Royaumes combattants, que « même les comédiens de Ts’in servent d’observateurs à Houei Ngan ». Le Maître est énorme et nu, sa carapace est sensible au plus petit coup d’épingle, c’est un Goliath à la merci du moindre frondeur, un Cyclope qui ne sait toujours pas qui s’appelle Personne, un Big Brother dont les caméras n’enregistrent que ses propres fantasmes, un Pavlov dont le chien n’obéit qu’une fois sur deux. Il calcule et communique beaucoup pour ne rien dire, l’Adversaire, il tourne en rond, il s’énerve, il ne comprend pas comment le langage a pu le déserter à ce point, il multiplie les informations, oublie ses rêves, fabrique des films barbants à la chaîne, s’endort devant ses films, croit toujours dur comme fer que l’argent, le sexe et la drogue mènent le monde, sent pourtant le sol se dérober sous ses pieds, est pris de vertige, en vient secrètement à préférer mourir. »
Philippe Sollers, Eloge de l’Infini. Janvier 2001
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, grands textes, philippe sollers, gildas pasquet
dimanche, 18 mai 2008
A propos de la pornographie ambiante
14:52 Publié dans Sessualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pornagraphie, inhibition, philippe sollers
mercredi, 14 mai 2008
Carnet de nuit, suite...
- Ce n'est pas le temps qui fuit, mais une présence éveillée dans le temps
- Nabokov: "Dans une oeuvre d'imagination de premier ordre le conflit n'est pas entre les personnages, mais entre l'auteur et le lecteur."
Philippe Sollers, Folio, 4,20 €
05:22 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, carnet de nuit, nabokov
En feuilletant le Carnet de nuit de Philippe Sollers
- Si tout le monde ne prenait plus rien, rigoureusement, au sérieux, le Messie serait là dans l'heure qui suit.
- Nietzsche : Les clowns et les danseurs de corde sont les seuls acteurs dont le talent est incontesté et absolu
- Quand deux individus se désirent vraiment, le démon souffre.
©Edward Steichen, Towards the Light - Midnight, 1908, épreuve au charbon et platinotype (tiré de l'exposition : Rodin et la photographie)
00:25 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, carnet de nuit, rodin
samedi, 10 mai 2008
La chance, large et lent escalier
« À 10 ans, au fond du jardin, je suis ébloui par le simple fait d’être là (et pas d’être moi), dans le limité-illimité de l’espace. À 20 ans, grande tentation de suicide ; il est moins deux mais la rencontre avec Dominique (Rolin) me sauve. À 30 ans, rechute et vif désir d’en finir, mais la rencontre avec Julia (Kristeva) me sauve. À 40 ans, l’abîme : ennuis de santé de mon fils, Paradis impossible, New York dramatique, années de plomb en France. À 50 ans “bats-toi”, c’est tout ce que j’ai à me dire. À 60 ans, j’entrevois la synthèse, et, à 70, le large, avec un talisman venu de Nietzsche : “la chance, large et lent escalier ”.
Philippe Sollers, Un vrai roman, Mémoires.
12:38 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philippe sollers, un vrai roman, littérature, gildas pasquet
vendredi, 09 mai 2008
La mise à égalité de tous les événements les uns par rapport aux autres
"Comment ne pas penser que le Cyclope moderne, incessant, mononucléaire, ressemble étrangement à une caméra ? La caméra enregistre sans arrêt tous les événements du monde, sans parler du fait qu'elle est là, en état de surveillance continue, pour traquer la vie des humains. Cette dévoration constante par la caméra ne va pas jusqu'à la crudité du temps d'Ulysse, à savoir qu'elle mangerait de la viande humaine. Mais enfin, c'est quand même comme cela que ça se passe, dans la mise à égalité de tous les événements les uns par rapport aux autres : cadavres et naissances, actualité de mode, publicité et bourrage de l'estomac représentatif. L'ignorance où la caméra entretient l'humanoïde de sa "proximité" me paraît flagrante. Dans les têtes fonctionne constamment une caméra, sous le signe du "je pense donc je suis", qui en réalité doit s'interpréter par "je me représente donc je crois que je suis moi" ou plus exactement "je crois que je suis ce qu'on me dit de jouer de plus en plus comme rôle".
Philippe Sollers, Guerres secrètes.
16:06 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, guerres secrètes, gildas pasquet
jeudi, 08 mai 2008
Le Logos
"Si l'acte de penser, qui est dans l'acte même d'être, ne se caractérise pas par un engagement de tout l'être, le Logos devient un os à ronger."
Philippe Sollers, Guerres secrètes, Editions Carnets Nord, 2007
Photo de Gildas Pasquet : Arôme
22:56 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philippe sollers, guerres secrètes, gildas pasquet
lundi, 05 mai 2008
Guerres secrètes
"Il y a une guerre incessante : celle qui nous saute à la figure à travers le terrorisme déchaîné par la stratégie directe. Et une guerre plus secrète qui se mène sans cesse, pas seulement économique, et dont les Chinois sont en train de tirer la plupart des fils. Si l’adversaire est unilatéral, je vais faire du multilatéralisme ; comme l’adversaire est capitaliste, je vais devenir encore plus capitaliste. Pratiquer la défensive stratégique, utiliser la force de l’adversaire pour la retourner en ma faveur. Le Chinois s’appuie d’instinct sur la compréhension interne de ce que l’adversaire ose, veut, calcule et est obligé de faire. Il mène une guerre défensive qui peut durer une éternité : sa conception du temps n’est pas la nôtre. Cette guerre peut se prolonger indéfiniment pour user l’adversaire. Elle ne cherche pas l’anéantissement, mais la domination."
Philippe Sollers, Guerres secrètes, Editions Carnets Nord, 2007
(Un livre indispensable si l'on veut comprendre les conflits d'aujourd'hui)
13:05 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : philippe sollers, politique, chine, guerres secrètes
jeudi, 01 mai 2008
Mourir avec sa vision la plus forte
« Ma vie n’est qu’un accident, je sens que je ne devais pas naître : acceptez de cet accident la passion, la rapidité et le malheur.» : Chateaubriand. Philippe Sollers, qui fait cette citation dans Femmes continue ainsi : « Rions… On verra… Allez, un autre verre… L’important est de vivre le plus longtemps possible, de mourir avec sa vision la plus forte… »
00:27 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : philippe sollers, chateaubriand, gildas pasquet
Cecilia Bartoli
« Tout son corps est un instrument de souffle. Elle peut être furieuse, idyllique, pseudo-naïve, sentimentale, drôle, sadique, tendre, rêveuse, enfantine. Elle a fait le tour des mille détours. Elle prend les mots à la racine (divin italien), elle les étire et les broie, elle les catapulte, les caresse et les fouette. [...] Une telle aptitude à la volupté abolit, chirurgicalement, des tonnes de musique romantique inutiles. Bartoli est une sorcière, une fée, une débauchée, une fille du peuple sensuelle et gaie, une artiste incroyable, une merveilleuse femme de la vie courante, une camarade, une aristocrate, une reine. Elle descend de tous les tableaux vénitiens, Vénus, saintes, elle est là, à la fin du XXe siècle et au début du XXIe. »
Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise.
00:09 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, venise, cecilia bartoli, philippe sollers
samedi, 19 avril 2008
Born to be Wilde
00:19 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, oscar wilde, philippe sollers
lundi, 21 janvier 2008
« Là où le péril croît, croît aussi ce qui sauve. »
Tout est à notre disposition, et personne ne sait quoi en faire, voilà le paradoxe.
Lire ici l'entretien croisé Richard Milllet, Philippe Sollers sur l'avenir de la littérature
13:39 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Richard Millet, Philippe Sollers, Jean-Louis Bec
jeudi, 03 janvier 2008
Un principe de contestation
PHILIPPE SOLLERS : Il me semble que c’est un principe de contestation. Ce qu’on appelle la culture occidentale, l’aventure occidentale, c’est une certaine négativité énigmatique, probablement de plus en plus énigmatique, mais qui définit bien en quoi la virulence occidentale est en train de s’étendre à toute la planète, à l’ensemble de l’espèce humaine, à l’ensemble de son histoire, et je crois qu’au fond ce principe de négativité qui a pris le nom d’Occident, de culture occidentale, n’est pensable qu’à travers l’aventure chrétienne. Si on veut aller au fond des choses, il nous faut définir l’Occident comme cette très bizarre aventure, surgie du Proche-Orient, sortie de la Bible et de la culture grecque, de leur mélange contradictoire, de leur opposition fondamentale, de leur multiplication l’une par l’autre, et ça porte un nom : c’est l’aventure de la chrétienté. L’aventure de la chrétienté, c’est aussi l’aventure de ce qu’on appelle la science. ...
04:03 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Philippe Sollers, occident, crise, entretien
jeudi, 20 décembre 2007
Comment être cadeauphobe ?
Si le fond de la nature humaine, comme on dit, n’était pas la pure et simple violence, y aurait-il tous ces rituels ? C’est pourquoi l’engrenage cadeau est une reconnaissance implicite de cette violence - un aveu, une excuse. Le célèbre Viennois (beaucoup moins charlatan que ne l’a dit l’auteur du Don) n’avait pas tort de constater que le cadeau primitif était celui des excréments de la part du bébé à sa mère.
12:54 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cadeau, Philippe Sollers
vendredi, 14 décembre 2007
Ma Chine à écrire...
« Allons, machine...[« Ma Chine » ? Oui, si l’on pense à la séquence de Paradis ici rejouée dans une autre situation, un autre lieu : Venise. Mais surtout « machine à écrire » comme le veut l’exergue de Faulkner : « Possède sa propre machine à écrire et sait s’en servir ».]
03:13 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Chine, machine à écrire, Philippe Sollers
mercredi, 12 décembre 2007
A propos de "Eloge de l'infini"
15:02 Publié dans Interview | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Philippe Sollers, Eloge de l'infini
lundi, 10 décembre 2007
Sarkozy et mai 68
19:20 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : mai 68, Sarkozy, Philippe Sollers
mardi, 04 décembre 2007
Les réfractaires
Comment atteindre la négation de la négation, l’affirmation même ? ça les préoccupe très tôt, les réfractaires. On croit les élever, les éduquer, les terroriser, les domestiquer, on obtient avec eux les résultats minimaux, ils apprennent anormalement vite à lire et à écrire, mais c’est comme si ce don particulier ne les menait à rien, ils le gardent pour eux, on ne comprend pas ce qu’ils projettent d’en faire. Ils ne partagent pas volontiers, ne semblent pas attirés par les sacrifices et les mortifications, l’ascèse ou lla discipline. Le garçon sera un salarié bidon, un déserteur, un simulateur, incapable de la moindre carrière. La fille ne sera ni actrice, ni mannequin, ni professeur, ni docteur, ni publicitaire, ni bonne mère, et encore moins hystérique ou anorexique. Que leur reste-t-il ? L’art ? Mais comme, là encore, le caractère réfractaire persistera dans cette dérivation, il y a fort à parier qu’il s’agira d’un art non conforme à ce que les contemporains considèrent comme tel. Un art de vivre, alors ? Ce n’est pas impossible, c’est même ce qui fait peur. Que voulez-vous, ce sont des irresponsables. On dirait qu’ils se moquent de leur réputation. Ils s’habillent n’importe comment (mais aussi, parfois, avec une élégance inexplicable), dépensent tout leur argent, interrompent leurs relations d’un moment à l’autre, se lèvent et partent sans s’excuser dans des dîners, oublient leurs amis, leurs femmes, leurs maris, leurs amants, leurs maîtresses, ne font pas de cadeaux, ne donnent aucune indication sur leurs maladies ou leurs états d’âme. Ce sont des asociaux, même pas conservateurs, incontrôlables, irrécupérables. Mal vus à droite, mal vus à gauche, vomis par le centre, étrangers aux marges, où voulez-vous les mettre ? Dans l’au-delà ? Même pas.
Philippe Sollers, L'étoile des amants
Frédérique Azaïs, Histoires
19:44 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Philippe Sollers, Frédérique Azaïs